
La chapelle Sainte-Blanche de François Ribault
2ème partie
Résumé : Dès 1915 le nouveau recteur, François Ribault, veut agrandir le petit oratoire que ses prédécesseurs avaient bâti, « à l’emplacement même et dans les dimensions » de l’ancienne chapelle Sainte Blanche totalement ruinée. Mais il se heurte à de nombreuses difficultés, matérielles et financières. A la sortie de la Guerre, il revoit ses plans et reprend le projet.
Un miracle au secours du chantier
Une pauvre femme, qui élevait encore un petit enfant « souffrait d’une jambe depuis plusieurs années et avait consulté plusieurs médecins et pharmaciens qui ne lui avaient point fait espérer de guérison ». « Le pied vilain, la jambe enflée, elle ne pouvait plus marcher ».
Les hommes de l’art voulaient l’envoyer à l’hôpital ; mais elle ne pouvait laisser son enfant. Elle s’en remit, pieusement, à Sainte-Blanche lui promettant « une livre de bougies ».
Et miracle ! Dès le lendemain, son pied redevenu beau, sa jambe dégonflée, la pieuse femme pouvait remarcher. Elle put « faire sa saison, pénible pourtant : elle lavait une maison » de baigneurs.
Notre recteur sauta sur l’occasion.
Pour le bien de tous et pour aider à financer les travaux il fit « fabriquer des médailles et images de Sainte-Blanche » qu’il tint « à la disposition des fidèles » contre un prix tout à fait avantageux.
L’abbé Ribault ne mentionne jamais la fontaine miraculeuse de Sainte Blanche. Pourtant, depuis toujours, les femmes de la région soignaient les prurits (surtout infantiles) avec l’eau de la source qui surgit en contre-bas de la chapelle.
Sans doute que les croyances en ces « miracles » n’étaient, pour lui, que superstitions païennes… trop difficiles à commercialiser et peu rentables.
Des découvertes archéologiques
Lors des travaux, « dans les fouilles de l’avancement de la façade », à 1,75 m au-dessous du niveau du sol, plusieurs « sépultures anciennes furent mises à jour ».
Des dalles, des gisants et des squelettes. Ceux-ci, admirablement conservés, étaient couchés « la tête vers l’Occident et les pieds à l’Orient, selon le mode des sépultures chrétiennes primitives ».
A la demande de l’abbé Ribault des « savants archéologues de Rennes et Saint-Brieuc » vinrent visiter ces tombes peut-être de l’époque romane (Xe ou Xie s.), plus probablement plus anciennes (du Ve ou VIe s.).
Le recteur a bien le rêve « d’enlever la terre de cette partie de la chapelle et d’y creuser une crypte, où ces tombes remarquables seraient visibles ». Mais, faute de moyens cette idée est rapidement abandonnée.
On replace seulement les pierres plates sur les fosses creusées dans le roc où reposent les restes des morts inconnus. Ils y sont encore, reposant pour toujours, sous le bas-côté nord de la chapelle agrandie.
Un intérieur original
Les travaux sont achevés en 1921.
L’édifice comporte une nef principale, « terminée à l’Est par un chevet à pans qui forme chœur », et « flanquée de deux bas-côtés inégaux séparés d’elle par trois arceaux surbaissés, portés sur des pilastres en bois ».
L’idée originelle des piliers en béton armé a donc été, heureusement, abandonnée. « Un lambris à mouchette forme la voute qui suit les lignes de la charpente et laisse apparaître les poutres traversières et les poinçons en bois ».
La sacristie, pour libérer de l’espace est en sous-sol, et donne sur une petite courette.
C’est dans la décoration de l’ensemble que le talent et l’originalité créatrice de François Ribault feront des merveilles… et quelques dégâts.
Promoteur, avant l’heure du « Récup ’art », il compose un décor extraordinaire de roues, fuseaux, quenelles et pesons de rouets des « anciennes fileuses castines ».
Les balustrades, les coins et les poutres forment ainsi une dentelle de bois des plus originales.
Tout autour de la chapelle « court une fresque peinte par le maitre Carembat », où, « sur la falaise panachée de genêts d’or, la chaumière du pêcheur, la chapelle et la croix bretonne se dessinent devant la mer ».
Mais le recteur ne s’arrête pas là.
S’il récupère, de l’ancienne église paroissiale, le retable de style Louis XIV et les statues en bois polychromes de Saint-Pierre et Saint-Paul, il les remet à son gout. Il les décape. Il fait sauter « avec beaucoup de peine et de …potassium, les nombreuses couches de peintures superposées qui engluaient les sculptures ».
Le pauvre Saint-Pierre (qui ressemble d’après le recteur au « bon pêcheur de l’Isle »), est encore visible aujourd’hui reclus dans le bas-côté sud. Le Saint-Paul, quant à lui, aujourd’hui disparu, est peut-être caché dans une mansarde paroissiale matignonaise. Sa statue plaît moins au recteur, vieil antidreyfusard : N’a-t-elle pas le tort « d’accuser un type oriental, presque sémite, avec son visage émacié terminé par une barbe en pointe » ?
Conclusion
Le 1er Mai 1921 fut célébrée la première messe dans la chapelle de Santez Gwenn.
François Ribault, la nomme ainsi, il tient à ce vocable.
Pour le chanoine, notre sainte n’est ni Sainte Blanche de Castille, mère de Saint-Louis, ni toute autre sainte latine. Elle est bien Gwenn, épouse de Fragan, mère de Guénolé et de Jacut et à qui Dieu fit pousser un troisième sein, à la naissance de son troisième fils Guétenoc.
Cependant il accepte la statue ancienne (actuellement dans la niche du retable) qui représente Santez Gwenn « le front ceint d’une couronne et la main droite brandissant un sceptre royal ».
Pour le recteur si savant, Gwenn était en effet « princesse et reine, au pays de Cumbria dans la Grande Bretagne » et restera pour toujours « reine en son joli sanctuaire ».
Ainsi il aurait, sans doute, accepté tout autant la très contemporaine statue de la façade, inspirée d’une représentation de Ste Blanche de Castille.
Certes la petite chapelle ne correspond pas tout à fait à la majestueuse et « minuscule cathédrale » dont il avait rêvé, avec ces « ravissantes nefs, avec cette colonnade qui encerclent l’enceinte et le délicieux chœur autour duquel l’assistance circule ».
Mais, en ce jour bénit de 1921, François Ribault n’est pas peu fier de son œuvre.
Il signe sa création par ces quelques vers :
Clocher marin
Sur un rocher battu par la vague plaintive,
Le marinier, de loin, voit blanchir sur la rive
Un clocher, près du bord, pointant sa svelte croix.
Le temps n’a pas encore bruni la jeune pierre,
Et parmi les villas et les humbles chaumières,
Il monte, il prie, il dit : je crois !
Je suis le clocher de la côte,
Je suis l’indicateur du ciel, dressé sur la falaise haute,
Face au grand phare de Fréhel.
Bibliographie : « Le patrimoine religieux de Saint-Cast le Guildo », Association du Patrimoine de St Cast le Guildo. Juillet 2016. La Vigie (collection Association du Patrimoine). Archives personnelles.