
Le 3 Août dernier, à l’occasion du 80 ème anniversaire de la Libération de Saint-Cast le Guildo, a été inauguré le nouvel emplacement de la stèle commémorant le « Réseau Var ».
Suite à un imbroglio juridique ancien, cette stèle s’était retrouvée au beau milieu d’une propriété privée. La municipalité a décidé de la remettre en valeur en la replaçant à l’entrée de l’allée du Réseau Var, récemment créée, tout près de l’Allée Aristide Sicot.


Ces deux allées encadrent la villa « Les Feux-Follets », autrefois propriété de la famille Sicot.
Au cours de l’automne 1943, des résistants, des pilotes alliés et des agents britanniques furent hébergés par petits groupes dans cette villa. Ils fuyaient la France occupée ou débarquaient d’Angleterre.
Aristide Sicot, était jeune instituteur quand il fut contacté par des membres du réseau anglais « Var » à la recherche d’une maison pouvant accueillir ces combattants de l’ombre.
Les parents Sicot acceptèrent de mettre leur maison à disposition.
Renée Sicot-Labbé, la sœur d’Aristide témoignait en 1992 :
« Bien sûr cela n’était pas de tout repos pour mes parents qui avaient à héberger ces fugitifs, en cette période de restrictions alimentaires. Ils furent aidés pour cela par le secrétaire de Mairie de Plurien, Jules Labbé, qui s’arrangea pour leur fournir tickets de rationnement et faux papiers, et aida mon frère Aristide dans ses recherches d’approvisionnement à travers la campagne ».
Autre difficulté : le triste état dans lequel arrivaient certains des aviateurs : quelques-uns étaient blessés (et pas question d’appeler un médecin !). Leurs vêtements devaient être nettoyés, réparés et, souvent, remplacés. Madame Sicot s’en chargeait.
A l’automne 1943, à partir des « Feux-Follets », il y eut une vingtaine de départs vers l’Angleterre. Cela se passait la nuit. La colonne de clandestins suivait Aristide à travers champs jusqu’à la petite crique du Mousselet. Le rendez-vous était donné à la vedette anglaise dont la venue avait été signalée par un des fameux et mystérieux messages codés que l’on entendait sur les ondes de Radio Londres.
La vedette arrivait remplie de matériel (armes, postes de radio, provisions…).
Imaginez la difficulté à les transporter, la nuit, le long du sentier escarpé qui remonte du Mousselet !
Les nouveaux arrivants donnaient un coup de main et quittaient plus tard les « Feux-Follets » munis de « vrais-faux » papiers délivrés par le secrétaire de mairie de Plurien.
Jules Labbé ajoutait une mention « sourd muet » sur les cartes des anglophones.
Avec l’aide des « pensionnaires », on creusa un abri sous le parquet de l’une des pièces des « Feux-Follets ». Sur la trappe qui y accédait on déroulait un tapis sur lequel on plaçait la machine à coudre. La nuit, la terre retirée était dispersée dans le jardin qui entoure la maison. Cet abri devait permettre aux « hôtes » de s’y cacher en cas de perquisition.
En fait il ne servit qu’à planquer armes et munitions. L’un des aviateurs américains (le Lt. S. Elskes) en parle dans un ouvrage publié aux Etats-Unis.
La nuit de Noël 1943, une douzaine d’hommes, dont le Général Allard mandé à Londres par le Général de Gaulle , devaient embarquer pour l’Angleterre et attendaient pieds nus sur les rochers de la petite crique, dans le froid de cette nuit sans lune.
Le nombre d’hommes à évacuer rendait l’opération délicate, et obligeait à faire au moins deux longs aller-retours de la plage à la vedette. Pour raccourcir ces trajets, le capitaine de la vedette anglaise décida de se rapprocher le plus près possible du Mousselet, en risquant ainsi de se faire voir et entendre des Allemands du blockhaus des Corbières.
C’est ce qu’il advint : Les Allemands, pourtant occupés à fêter Noël, intrigués par le bruit
du moteur du bateau anglais, lancèrent des fusées éclairantes et tirèrent en sa direction.
La vedette n’attendit pas et réussit à prendre le large en lançant un nuage de fumée et en filant le long de la côte sous le Fort Lalatte.
Les 12 hommes durent regagner les « Feux-Follets », dépités mais bien décidés à renouveler leur tentative.
Aristide Sicot décida alors de déplacer le réseau à Guimaëc, un petit village du Nord-Finistère. Pendant l’hiver et le printemps 1944 le réseau évacua ou accueillit encore plus d’une cinquantaine de personnes. Parmi elles : François Mitterand.