
Supplique du Pin Lambert
Frères humains qui près de moi vivez,
N’ayez contre moi le cœur, tel mon tronc, endurci. Car, si pitié de moi, pauvre, avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Vous nous avez vus ici, cinq, six :
Mon frère laurier d’une hauteur unique,
Quand avec les beaux jours, ses rameaux fleurissaient.
Il fut un beau matin, pour un humain, scalpé.
Le bourreau sans pitié (las !) l’a fait étêter.
Et mon ami le saule, après avoir été
Rogné et mutilé, qu’on a euthanasié ?
Après ce traitement, comment aurait-il pu
Retrouver sa jeunesse ? Il ne pleurera plus.
Ses branches superbes ne cacheront plus la vue
Et le très vieux cyprès de la rue de l’Hilda.
Du soleil de l’Eté, son ombre charitable, protégeait la Croix.
N’avait-il pas été, par des professionnels,
Sauvé une première fois ?
Mais d’autres spécialistes l’ont plus tard condamné.
Ces bucherons l’ont coupé.
Et les arbres du tennis, qui semblaient dangereux
À l’abri du talus ?
On les a abattus.
Sans doute craignait-on que par grand vent d’hiver,
Sur les joueurs de tennis, ils s’effondrent sans bruit.
Mais combien sont ces gens à jouer en plein air,
En plein hiver au froid, par vent de force huit ?
Et d’autres arbres encore,
Mes poteaux, mes vieilles branches,
Tous mes amis d’enfance,
Trop anciens, mal soignés, ou seulement gênants.
Ils souffrent comme tous, la pluie se fait plus rare,
Les voisins exigeants.
Ils meurent et je suis seul,
Magnifique, dominant, fort, solide gaillard,
Jeune de plus d’un siècle et pourtant condamné.
(Pin Lambert: square des fontenelles)